samedi 5 février 2011

Cherry picking et retour en mainland.




Après un bon mois de silence, voici la suite de nos aventures lutines.

Pour pouvoir profiter à fond des parties les plus intéressantes de notre voyage (le nord et l'ouest), on a décidé de bosser à fond jusqu'en avril pour etre tranquilles économiquement. En australie le meilleur moyen de gagner des sous rapidement c'est de ramasser des fruits et légumes au rendement, pour le meme boulot on gagne au moins deux à trois fois ce qu'on ferait en France. En Tasmanie le fruit sur lequel se jettent tous les pickers, c'est la cerise. Pourquoi ça ? Parce qu'un caribou enragé peut gagner 600$ en une journée de 10h, et qu'un français moyen peut aisément atteindre les 300$ dans la meme journée.

Malheureusement pour nous, la météo capricieuse n'a pas été du coté des producteurs de cerises cette année : notre première ferme a perdu la moitié de ses arbres à cause d'une maladie, il nous a conseillé d'aller voir ailleur si on voulait bosser plus de 3 jours.
Deuxième ferme, l'exploitation est plus grande, mais l'ambiance reste familiale. Les premiers jours sont prometteurs : presque 200$ par jour alors qu'on doit encore trier la plupart des fruits. Et là, c'est le drame : la pluie. Pour ceux qui n'ont pas fait option agriculture à l'école, sachez que quand il pleut au moment où les cerises sont mures, elles éclatent, devenant du meme coup invendables. Le travaille devient moins payant (on perd un temps fou à trier les cerises abimées) et la saison est écourtée d'une bonne semaine.

Face à la crise de la cerise, on a tenté un autre fruit, moins payant puisque payé à l'heure mais moins capricieux : l'abricot. L'entretien d'embauche est presque plus incohérent que celui pour devenir instit :
«_ Are you good workers ?
_Yes.
_Are you sure ?
_Yes
_You're not color blind ?
_No (ce qui est un mensonge effronté de la part de notre ogre national)
_Ok you start tomorrow morning, juste take the paperwork and come tomorrow at 6H15. »
Seul souci : Colas est daltonien. Après une matinée à passer derrière lui pour rammasser les fruits murs qu'il a vu verts et à trier son sac pour en retirer les fruits verts qu'il a vu orange, je me retrouve tout seul. Le lendemain, Colas déjà retrouvé du boulot dans une autre ferme de cersies, du coup il prend la voiture et je vais au boulot avec un voisin du camping qui ramasse des cerises sur la ferme ou je ramasse les abricot. Malheureusement on a un peu fait la fete au camping la veille et on arrive avec un bon quart d'heure de retard, la ferme fait 100ha et je ne sais pas du tout où sont rendus les ramasseurs d'abricots. Tant pis, je passe au bureau annoncer à la secrétaire que je préfère rammasser des cerises et me voici avec du boulot pour encore neuf jours.

Pendant tout ce temps, on a trouvé un camping gratuit situé à moins de cinq kilomètres de toutes les fermes où on a bossé, et malgré la proportion très important de backpackers français sur le camping, on y a passé un très bon moment.

Parmis les faits marquants sur le camping, on est devenus les mascottes de campania après avoir pris l'habitude de faire du pain au feu de bois tous les deux jours.
Oui oui vous avez bien lu, on fait du pain au feu de bois, grace à une gosse marmitte en fonte qu'on a achetée d'occasion à une backpackeuse de passage et à un wok du meme acquabit qui fait un pétrin parfait, le tout pour un prix qui défie toute concurrence : meme pas la moitié d'une nuit de backpack à deux.
Pour ce bon plan, il faut rendre un hommage particulièrement mérité à Jorgen. Jorgen est un allemand immigré en Australie depuis sept ans, et la vie au soleil lui a un peu tapé sur le crane. En nous voyant faire du pain, Jorgen en a conclu qu'on était des bons cuisiniers, et à chaque moment que l'on passait avec lui, il nous expliquait comment cuisiner et braconner chacune des espèces qui vivent en Australie. Il nous a meme fourni le piège nécessaire au braconnage de langouste, et il a failli nous ramener un wallaby qu'on avait promi de lui cuisiner suivant la recette du lapin aux olives.

Outre nos délires culinaires, nous avons pu profiter sur le camping de la présence de très nombreux musiciens : saxophone, guitare, clarinette, banjo, harmonica, djembé, bodhran, tin whistle, et bien sur tout notre bordel personnel.
Parmis toute cette joyeuse bande, il y a Roy, qui a converti Colas à l'harmonica (à l'heure où j'écris cet article Colas est en ville et court de magasin de musique en magasin de musique pour s'acheter un bon harmonica) et avec qui j'ai fait un troc plutot avantageux : j'ai récupéré une guitare électrique pour une guimbarde plus 20$.

C'est donc avec la voiture chargée de quelques kilogrammes supplémentaires que l'on a quitté la Tasmanie pour rejoindre Melbourne. Au programme : charger encore un peu plus la voiture en récupérant le didge de Colas et en passant dire bonjour à Bruce Rogers.
Mission réussie, moins de 24h après notre arrivée en mainland on a deux didgeridoos en bois qui encombrent un peu plus notre titine : un gros mi de sagouin que Colas pourra décrire mieux que moi ; et un Bruce Rogers en do avec toutes les caractéristiques d'un bon Bruce grave : une belle basse, des harmoniques dans tous les sens, une très bonne réponse aux vocalises, et ce grain de son made in Bruce.

En arrivant on pensait filer vers Shepparton pour la saison des pommes et des poires, mais tout le monde nous dit que c'est innondé.
Par peur de finir nos nuits dans une tente/radeau et de cueillir dans les conditions de l'overland track, on préfère continuer notre route vers l'ouest et le désert du South Australia où il y a aussi quelques pommes.
Malheureusement nos infos pour les pommes datent un peu, une grosse usine a fermé dans la région et il n'y a plus de place pour les pickers étrangers dans les vergers. Tant pis, ont descend la Murray river vers l'est, direction Mildura, gros centre de production de légumes où il y a du boulot toute l'année.
Effectivement on trouve facilement du boulot, mais les conditions de travail ressemblent étrangement à celle que pourrait offrir la maffia : notre travail consiste à clouer des baches pour protéger les vignes, payé au cep (mais jamais on a réussi à connaître le prix pour un cep). Le boulot est sensé commencer à 6h30 mais de 6h30 à 8h on passe notre temps en voiture à voyager de vigne en vigne avant d'atteindre celle où on doit effectivement bosser. Une fois qu'on commence enfin à travailler, on essaye de courir pour faire du rendement et rattraper le temps perdu, mais on se heurte à la météo locale : Mildura est situé en plein milieu du désert, et passé 10h il fait très très très très chaud (environ 42° et un soleil bien violent qui n'est atténué par aucun nuage). Malgré tout on se donne du mal pendant quatre heures pour apprendre qu'en fait ce sera payé à l'heure à 10$ brut (soit mois qu'un smic français, une vraie misère en Australie). Après un total de 5h30 de boulot, le boss nous dit qu'il fait trop chaud, et après une heure et demi de transport de vigne en vigne on rentre au camping avec 40$ chacun.

Après cet échec cuisant, on décide de fuir le plus vite possible Mildura, on continue donc notre route vers l'est jusqu'à Shepparton (qui n'est en fait pas plus inondé que Champtoceaux lors d'une cure moyenne de la Loire).

A ce propos je tiens à rassurer un peu tous les français qui paniquent en voyant les images d'inondation en provenance d'Australie : les journalistes français profitent des inondation pour produire de l'image choc mais n'ont qu'une idée très vague de la situation réelle sur place. Les inondations concernent surtout le Queensland où il est vrai que l'eau est montée très vite et très haut, mais le reste du pays n'est pas noyé. A Shepparton, les inondations sont annoncées comme catastrophiques par google, pourtant l'eau ne déborde pas des fossés, et les crues de la Loire sont bien plus impressionnantes que ce qui se passe ici. C'est à peu près le cas pour toute la vallée de la Murray river, et à priori pour toutes les zones « inondées » du New South Wales et du Victoria.
Pas de panique donc si on ne répond pas à vos mails, c'est juste qu'on ne se connecte à internet que rarement, et principalement pour chercher des infos, vu le prix de la connexion et la lenteur des connexions gratuites ce serait dur de répondre aux 40 mails qu'on reçoit à chaque fois qu'on se connecte.